Olivier Raymundie: Les concessions aéroportuaires et le changement de propriété...

17 Feb 2015

 

Article d'Olivier Raymundie, Chronique, février 2015.

 

Les concessions aéroportuaires et le changement de propriété du capital des sociétés aéroportuaires (à propos de la cession partielle du capital de la société aéroportuaire de toulouse à des capitaux chinois)

 

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Les concessions aéroportuaires et le changement de propriété du capital des sociétés aéroportuaires (à propos de la cession partielle du capital de la société aéroportuaire de Toulouse à des capitaux chinois).

 

La loi Aéroports du 20 avril 2005 a transformé l'établissement public Aéroports de Paris, qui possède et gère les aéroports parisiens, en société anonyme  et a créé les sociétés aéroportuaires pour gérer les grands aéroports régionaux, dont la propriété demeurait conservée majoritairement par l'État.

Jusqu’à la loi du 20 avril 2005, les aéroports étaient gérés, pour les aéroports régionaux, par les CCI dans le cadre de concessions de longue durée (50 à 70 ans) conférées par l’Etat, soit, pour les aéroports nationaux par un établissement public (ADP).

 

L’objectif de la loi était de faciliter le développement de l’activité des grands aéroports qu’ils soient nationaux ou régionaux, par la modernisation de leur gestion, et la réforme du statut d’établissement public.

 

Trois  types d’aéroports avaient ainsi été distingués :

   - ceux à vocation locale (trafic inférieur à 1 million de pas­sagers), dont la gestion est totalement décentralisée et transfé­rée aux collectivités locales libres d’en concéder l’exploitation à des opérateurs privés ;

   - les grands aéroports régionaux, relevant toujours de la compétence de l’État mais exploités par des chambres de commerce et d’industrie (CCI) dans le cadre de concessions ;

   - Aéroports de Paris dont le statut a été modifié pour passer d’établissement public à celui de société anonyme.

 

Pour les aéroports régionaux, l’article 7 II codifiée à l’article 6322-1 du Codes des transports prévoit qu’ « la demande de chaque chambre de commerce et d'industrie concernée, l'autorité administrative peut autoriser la cession ou l'apport de la concession aéroportuaire à une société dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la chambre de commerce et d'industrie titulaire de la concession cédée. Par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent prendre des participations dans cette société (…) ».

Dans ce cadre, les CCI pouvaient ainsi transférer la concession dont elles étaient titulaires au bénéfice d’une société privée, mais dont le capital initial était entièrement public.

Lors des débats parlementaires, le ministre chargé des transports avait indiqué que les participations des CCI et des collectivités territoriales devraient atteindre respectivement 25 % et 15 %, l’Etat conservant 60 % du capital des sociétés, et il semble que l’engagement pris par l’Etat de maintenir l’actionnariat public majoritaire valait jusqu’à l’année 2013.

  

Il est vrai que si la loi est muette sur la pérennité d’un actionnariat public majoritaire, la cession fut-elle partielle des actions était annoncée depuis longue date.

Ainsi, dans un de ses avis en 2010, le conseil de la concurrence pouvait relever que « dans son rapport public thématique de juillet 2008, Les aéroports français face aux mutations du transport aérien, la Cour des comptes indique que l’Etat a pris l’engagement informel de maintenir un actionnariat majoritairement public jusqu’à la fin de l’année 2013 dans une lettre du Premier ministre adressée à l’Union des aéroports français. Par la suite, aucune disposition législative ne s’opposera à une prise de contrôle des SAR par des capitaux privés (avis conseil de la concurrence n° 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d’avis de l’Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des aéroports français).

 

De même, en 2010, le Ministre pouvait dire :

« L'État réfléchit à une cession d'une partie de sa part dans ces aéroports, en particulier pour les aérodromes de Lyon, Bordeaux et Toulouse.  Les trois premières SAR ont vu le jour en 2007 : Aéroports de Lyon et Aéroports de Toulouse-Blagnac en mars 2007 et Aéroport de Bordeaux-Mérignac en mai 2007 » (Audition de Monsieur Dominique Bussereau, ministre chargé des transports  à l'Assemblée nationale, Assemblée Nationale, 12 octobre 2010).

 

De la même façon, dans une réponse de 2011, le gouvernement annonçait qu’il « a récemment donné un accord de principe à l’engagement de la réflexion sur l’ouverture du capital de ces socié­tés. Il fera connaître prochainement les modalités retenues, qui s’appuieront notamment sur une consultation des autres actionnaires et en particulier des collectivités locales. » (Question écrite n° 92654, JOAN du 8 février 2011).

En ce sens, et au-delà de savoir si et à qui devait-on céder 49,99% de la société d'exploitation aéroportuaire de Toulouse, cette cession partielle n’était pas, en elle-même, une surprise en ce qu’elle avait été annoncée.

 

La vente des parts des SAR est l’occasion de s’interroger sur les règles de cession des parts des sociétés aéroportuaires.

 

Ouvrir le capital d’une société à capitaux publics à des actionnaires nécessite que l’ouverture se fasse dans des conditions de transparence rappelées par la Cour de justice à plusieurs reprises :

« Il ressort de la jurisprudence que l’attribution d’un marché public à une entreprise d’économie mixte sans mise en concurrence porterait atteinte à l’objectif de concurrence libre et non faussée et au principe d’égalité de traitement, dans la mesure où une telle procédure offrirait à une entreprise privée présente dans le capital de cette entreprise un avantage par rapport à ses concurrents (arrêts Stadt Halle et RPL Lochau, précité, point 51, ainsi que du 10 novembre 2005, Commission/Autriche, C‑29/04, Rec. p. I‑9705, point 48) » (CJCE, 15 octobre 2009, Acoset, 196/08).

 

Il peut y avoir cession, soit parce que le contrat est cédé, soit parce que le capital de la société est cédé, voire les deux,  et il faut alors vérifier dans quelle mesure,  l’ouverture du capital s’analyse alors comme une cession de la société.

Mais la cession d’actions d’une société n’est pas ipso facto une cession de contrat.

 

A cet égard, le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes comporte un article relatif à la cession  des concessions.

 

« Toute cession totale ou partielle de la concession, quelle qu'en soit la forme, ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une autorisation préalable du ministre chargé de l'aviation civile. Toute opération entraînant un changement de contrôle du concessionnaire au sens de l'article L. 233-3 du code du commerce vaut, pour l'application du présent article, cession du contrat de concession ».

 

Dans le cas de Toulouse, les collectivités publiques  resteront majoritaires dans le capital (initial) avec 50,01%  (10,01% à l'Etat, 25% à la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse et 5% chacun à l'agglomération Toulouse métropole, au département de Haute-Garonne et à la Région Midi-Pyrénées).

 

Il n’y a pas cession du contrat, mais prise de participation minoritaire dans le capital d’une société qui devient mixte dans son capital social.

 

La cession de parts ou d’actions s’analyse comme une cession à un tiers au sens de l’avis du Conseil d’Etat du 8 juin 2000 lorsque la personne morale est distincte du titulaire initial dudit contrat.  Ce n’est pas le cas précise le Conseil d’Etat « lorsqu’il y a transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme. Tel n'est pas non plus le cas, selon la jurisprudence, lorsqu'il est procédé à un changement de propriétaire des actions composant le capital social, même dans une proportion très largement majoritaire. En revanche, il y a bien cession à un tiers lors de la réalisation d'opérations de scission et de fusion, lorsque ces opérations aboutissent à la création de sociétés nouvelles, en vertu des dispositions des articles 371, 372, 372-1 et 372-2 de la loi susvisée du 24 juillet 1966 ou lorsque, à la suite d'autres formes de transmissions de patrimoines ou de cessions d'actifs, une société nouvelle se voit attribuer, en qualité de cessionnaire, un marché public ou un contrat de délégation de service public ».

 

En cas de cession, celle-ci  nécessite alors une autorisation  préalable de la personne publique après examen des garanties professionnelles, financières et techniques du cessionnaire.

 

Il reste alors à savoir si, au-delà de la participation publique affichée, un pacte d’actionnaire n’aurait pas, de son côté, organiser autrement la gouvernance de la société.

 

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